Liens interpersonnels,
interprofessionnels
et parcours de vie
une nécessité…

 

Liens interpersonnels, interprofessionnels et parcours de vie :

une nécessité…

Adhésion et consentement

Force est de constater que la maladie psychique clive, que les projets de prise en charge ou d’accompagnement peuvent avoir des objectifs différents, d’autant plus que les prestations sont cloisonnées.
Or, tel que nous le percevons dans nos structures sanitaires et médico-sociales, le « meilleur » parcours des personnes concernées est constitué d’un étroit maillage entre le parcours de soin, le parcours social et le parcours professionnel…
En outre, nous savons que les conditions essentielles de la mise en place d’un lien efficient entre la personne et les professionnels reposent sur l’adhésion. Du lien est donc nécessaire pour favoriser l’adéquation entre les besoins des personnes et les réponses fournies par les partenaires.

  • Comment les professionnels favorisent-ils l’émergence du consentement de la personne et quels sont alors les enjeux de cette contractualisation ?
  • Adhérer, est-ce finalement reconnaître par la personne la maladie qui l’affecte ?
  • Comment les positions respectives du professionnel et de l’usager peuvent-elles permettre un engagement réciproque dans un parcours de vie ?
  • Comment les structures d’accueil peuvent-elles laisser un temps suffisant aux personnes pour devenir acteurs de leur projet ?
  • Comment la variabilité des troubles va-t-elle influencer le processus de consentement ?
  • Comment les personnes peuvent-elles s’opposer, voir refuser tout ou partie du protocole d’accompagnement ?
  • Comment adhérer à quelque chose sans en dépendre ?

Gestion de la crise

Le handicap psychique est parfois qualifié d’invisible. Pour autant, la personne en souffrance psychique traverse durant son parcours de vie des situations de crise qu’il faut pouvoir accompagner. Ces situations de crise interrogent avec acuité la qualité des liens d’une part avec la personne en situation de crise et d’autre part entre les professionnels concernés. Une crise peut être gérée ou apaisée sans passer par une hospitalisation. Après avoir défini la crise et la situation de crise (hors urgence psychiatrique), nous nous interrogerons sur les conditions de maintien des liens interpersonnels avec la personne concernée par cette situation ainsi qu’avec son entourage et des liens interprofessionnels. Dans ce moment particulier qu’est la crise pour la personne en souffrance psychique et son entourage :

  • Comment maintenir un lien approprié entre toutes les parties prenantes au profit de la personne et ainsi maintenir l’alliance thérapeutique ?
  • Comment organiser, lorsque l’alliance thérapeutique est rompue, une prise en charge protectrice qui peut mettre à mal ou rendre difficile tout consentement ?

Plus largement, il faudra nous interroger sur la qualité des liens entre professionnels afin d’éviter la survenue d’une situation de crise. Et à ce titre, comment les différents professionnels peuvent-ils s’investir dans le travail de liaison ? En effet, cette dimension est une compétence et une responsabilité inhérente à l’accompagnement de personnes souffrant de troubles psychiques. Comment prendre aussi en considération l’entourage familial et familier lors de ces situations de crise ? Comment inscrire ces situations de crise dans une coopération centrée sur la personne au-delà des contraintes organisationnelles et parfois malgré des moyens humains limités, voire insuffisants ?

Définition de la crise et de l’urgence

Définition de la crise : (étymologie : en latin, crisis signifie « assaut », du grec Krisis, qui signifie : « décision, jugement, discernement ») : moment de rupture de l’équilibre psychique intra personnel ou interpersonnel qui nécessite un lien, un contact avec un professionnel, c’est un moment ou la communication est difficile voire rompu.
La situation de « crise » vient signifier une difficulté particulière, complexe de la personne accompagnée. Comme tout un chacun, une personne souffrant de troubles psychiques peut avoir besoin de se manifester au travers d’une crise. Cependant nous ne pouvons pas réagir de la même manière que face à une personne ordinaire. Pour résoudre une crise, nous devons d’emblée adopter une position qui tient compte de la spécificité du handicap psychique et des besoins particuliers de la personne en question.
La situation de crise est une situation dans laquelle la personne manifeste des comportements qui la mettent en danger et/ou mettent les autres en danger.
« (…) selon les professionnels qui s’y sont intéressés, la crise se situe en amont de l’urgence, dont elle doit selon eux être distinguée ; il s’agit en général d’une situation interactive conflictuelle impliquant le malade et son environnement (famille, voisins, milieu professionnel, médecin traitant, services sociaux ou municipaux...) ; c’est un état instable qui, en l’absence d’intervention appropriée, se résout exceptionnellement de manière positive et évolue au contraire vers l’urgence, médicale, psychiatrique ou mixte (…). » Circulaire du 30 juillet 1992 relative à la prise en charge des urgences psychiatriques.

Définition de l’urgence (étymologie : Lat. urgentia) : une demande dont la réponse ne peut être différée, elle nécessite une réponse immédiate et adéquate, ne tolère aucun délai, il y a notion de danger.
L’urgence en psychiatrie est définie comme « une demande dont la réponse ne peut être différée : il y a urgence à partir du moment où quelqu’un se pose la question, qu’il s’agisse du patient, de l’entourage ou du médecin ; elle nécessite une réponse rapide et adéquate de l’équipe soignante afin d’atténuer le caractère aigu de la souffrance psychique » Définition du groupe de travail de la commission des maladies mentales, 1991.
L’urgence psychiatrique recouvre en réalité trois grandes catégories d’états pathologiques :

  • L’urgence psychiatrique pure par décompensation d’une affection psychiatrique lourde (mélancolie, grand état d’angoisse, agitation), qui à l’évidence nécessite une prise en charge en milieu psychiatrique après élimination par le diagnostic d’une affection organique ;
  • Les urgences psychiatriques mixtes groupent les malades qui présentent des manifestations organiques et psychiatriques simultanées : tentatives de suicide, délirium tremens, etc. ;
  • Les états aigus transitoires c’est-à-dire les réactions émotionnelles intenses survenant sur un terrain psychologique vulnérable à la suite d’événements, conflits et détresse très souvent vécus dans la solitude (tentative de suicide, ivresse, etc. [Définition adoptée par le rapport présenté au conseil économique et social par le professeur STEG en 1989.] Circulaire du 30 juillet 1992 relative à la prise en charge des urgences psychiatriques.

Processus d’admission

Tout au long de son parcours de soin et d’accompagnement, la personne en souffrance psychique doit faire face à des changements d’équipe « référent ». Les passages entre hôpital et soins ambulatoires, ou entre une structure sociale ou médico-sociale à une structure de soin ou d’accompagnement amènent la personne à vivre des situations psychiques délicates : processus de séparation, sentiment d’abandon, renonciation à une certaine dépendance ou au contraire nécessité d’accepter une certaine « régression », construction d’un nouveau lien, autonomisation….
Le lien entre la personne concernée et les professionnels de l’équipe « d’amont », la confiance qui a pu s’installer et la manière dont la personne a été partie prenante du projet sont déterminants pour permettre à cette personne de prendre le « risque » d’une nouvelle étape de son parcours de vie et de nouveaux liens à tisser.
Les liens entre équipes se construisent autour de l’idée de « portage » du projet avec la personne concernée. Cependant, ces liens ne sont pas exempts de tension entre les différents métiers ou avec la personne concernée : les procédures d’admission sont souvent perçues comme trop exigeantes, trop longues, demandant trop de démarches, la communication entre les parties prenantes est souvent compliquée (en dire trop ou pas assez ?).
Les temporalités des uns et des autres sont souvent très différentes. Elles doivent tenir compte des processus psychiques à l’œuvre dans ces transitions : se départir de la tendance à s’approprier la personne en souffrance, accepter de « lâcher » pour l’équipe d’amont, accepter la personne telle qu’elle est.
La temporalité est également très contrainte par les éléments du contexte concret : manque de places et liste d’attente, besoin de libérer des lits, gestion des demandes d’orientation par la MDPH…
Devant la complexité de ces processus de passage qui mettent en jeu tant de facteurs :

  • Comment les usagers s’y retrouvent-ils ?
  • Comment peuvent-ils tenir une position de « sujet », véritable partie prenante des décisions qui les concernent ?
  • Comment les professionnels peuvent-ils les aider à tenir une telle position ?
  • Comment dépasser les désaccords, les incompréhensions qui peuvent naître à ces occasions entre les parties prenantes ?
  • Comment faire avec les contraintes concrètes réelles ?

Partage des informations

Le partage d’informations entre les partenaires pose la question de la confiance accordée par la personne aux professionnels, à l’équipe ou encore aux partenaires extérieurs. Il est nécessaire que les équipes acceptent de ne pas tout savoir, certaines choses vont être déposées dans une rencontre avec une personne et leurs mises en commun vont être utiles dans la prise en charge, tandis que d’autres relèveront d’une intimité relationnelle. 
La loi n’autorise pas à « tout partager » et les règles déontologiques invitent à la prudence critique. Qui partage quoi et avec qui ?
Du côté sanitaire, le code de santé publique réglemente le partage d’informations entre professionnels de santé. « Deux ou plusieurs professionnels de santé peuvent échanger des informations relatives à une même personne prise en charge à la condition que celle-ci ne se soit pas opposée à cet échange » (art. L 1110-4 du CSP). Cela signifie que la personne concernée sait explicitement que des informations la concernant vont être échangées et qu’elle a la possibilité de s’y opposer : « La personne est dûment informée de son droit d’exercer une opposition à l’échange et au partage d’informations la concernant. »
Qu’en est-il du partage entre professionnels de santé et professionnels du champ social ? La loi de modernisation de notre système de santé a repris le droit au respect de la vie privée (de la personne accompagnée) et du secret des informations la concernant. Il n’existe pas, aujourd’hui, de cadre législatif général qui fonde l’échange et le partage des données personnelles dans le secteur médico-social. Cependant, la loi de modernisation de notre système de santé précise : « Un professionnel peut échanger avec un ou plusieurs professionnels identifiés des informations relatives à une même personne prise en charge, à condition qu’ils participent tous à sa prise en charge et que ces informations soient strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins ou à son suivi médico-social et social ». L’échange d’informations est en effet nécessaire entre les partenaires de manière à construire, avec la personne, un parcours de santé (au sens de l’OMS) coordonné.
Cette question interroge donc à la fois le secret médical, le secret professionnel et la place de la personne accompagnée dans son parcours de vie, de soins, de santé :

  • Comment partager ce qui est nécessaire à « l’avancée » de la personne ?
  • La personne a-t-elle connaissance des informations échangées ?
  • Que sait-elle du partage d’informations la concernant ?